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Rangez vos guitares, voilà le Bourbon Kid en personne, l’écrivain le plus déjanté du 3e millénaire
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Rangez vos guitares, voilà le Bourbon Kid en personne, l’écrivain le plus déjanté du 3e millénaire

Publié le 14/12/21
Un tueur à la guitare

Asocial et trop mauvais guitariste pour devenir rocker, cinéphile obsessionnel, le Bourbon Kid a trouvé une bonne manière de mêler ses passions : écrire des romans percutants comme des descentes de manche.

Recevoir un mail du Bourbon Kid, c’est comme s’apprêter à mater la vidéo du film japonais Ring ou mettre la main sur la six-cordes prétendument maudite ayant appartenu au poète anglais Percy Shelley (il s’est noyé trois semaines après l’avoir acquise) : on a l’impression de jouer avec le feu, avec sa vie. Oui, le Bourbon Kid fout la frousse, il s’exprime normalement en peu de mots, préférant canarder plutôt que de parlementer. Le visage le plus souvent caché par une capuche, le Bourbon Kid est un tueur de sang-froid qui se déchaine quand il boit du bourbon – et il ne boit que ça ! Bien sûr, il n’existe pas vraiment, à part dans le monde déjanté inventé par un auteur anglo-saxon anonyme au milieu des années 2000 avec Le Livre sans Nom. Ont suivi huit autres romans, publiés en France par les éditions Sonatine, tous dévorés par l’équipe de Guitar Division. Normal : l’écrivain caché dans l’ombre  réalise des cocktails détonants de fantastique et d’humour potache, avec tout le temps des références rock’n’roll – un tueur à gage est un sosie d’Elvis Presley– et une bande-son qui pétarade, du blues au metal. L’auteur de ces livres sans temps mort – chapitres courts, action non-stop – répond désormais au pseudonyme du Bourbon Kid sur les réseaux sociaux et lors des rares interviews qu’il accorde par email. D’où cette sensation bizarre, même si elle dure deux secondes, que procure la réception d’un mail signé Bourbon Kid. Il signe même…BK.

 

Bowie, Tarantino ou le Prince Charles ?

Depuis la parution du Livre sans nom et son carton mondial, on s’interroge sur deux mystères. D’abord, comment le personnage du Bourbon Kid peut-il allumer ses cigarettes juste grâce à son souffle ? “C’est une de ces idées qui a surgi comme ça, explique l’écrivain. Et je me suis immédiatement demandé : « est-ce que quelqu’un a déjà fait dans un livre ou un film ?». Comme la réponse était « non », je devais y aller. Dès que tu as une idée originale, tu dois t’empresser de l’utiliser parce que ce genre d’idée ne court pas les rues. Mais je ne crois pas que le Kid partagera son truc avec beaucoup de gens”. La seconde énigme a encore moins de chance d’être résolue : qui se cache derrière ces romans jubilatoires ? Au début, les rumeurs les plus folles ont couru. L’écrivain serait en réalité le Prince Charles – dévoilant une facette très surprenante de sa personnalité - voire David Bowie ou Quentin Tarantino.  Même si ces deux dernières hypothèses restent farfelues, ça n’est pas un hasard si elles concernent un musicien qui a souvent été acteur et un cinéaste soignant les bandes-son de ses films avec un soin maniaque. L’écriture du Bourbon Kid se révèle en effet très cinématographique et musicale. L’écrivain imagine ses livres comme des films sur papier parce qu’il est un cinéphile passionné. “Mes films favoris restent Mad Max 2 et True Romance…Mes réalisateurs préférés sont Tony Scott et Robert Rodriguez. Je suis un grand collectionneur de blu-rays. D’ailleurs, un de mes hobbys consiste à remonter mes films préférés. C’est une manière très utile d’exercer l’art de la narration. Je vire les scènes ou les dialogues qui n’apportent rien à l’intrigue. Comme ça, je peux mater ces films sans les parties ennuyeuses”. Ce goût pour le cinéma se retrouve dans ses romans pour une raison encore plus personnelle. “J’ai le syndrome d’Asperger (forme d’autisme qui se caractérise par des difficultés dans les interactions sociales, ndr), pour moi tout doit être visuel. Mes histoires, je les joue dans ma tête comme si c’étaient des films et je les écris de manière à ce que les lecteurs puissent voir ce que j’imagine. Je commence habituellement avec l’idée d’une ou deux scènes puis je construis l’histoire autour de ça. Le premier jet est toujours difficile à écrire mais il me donne une base de travail, après je réécris tout sept ou huit fois. Pendant la période d’écriture, qui va de 12 à 18 mois, je rejoue constamment l’histoire dans ma tête. Si je suis avec des amis, ils peuvent me parler sans réaliser que je ne les écoute qu’à moitié. Je pense au Bourbon Kid donnant un coup de hache à quelqu’un ou à Sanchez – le patron du Tapioca, le bar de Santa Mondega, la ville où la plupart des histoires ont lieu – en train de chier sur Dracula”. Spoiler : oui, on trouve ce genre de scènes dans les romans.  
 

Un pacte avec Robert Johnson

Et la musique dans tout ça ? Rassurez-vous, elle est omniprésente et rythme les scènes-clé. La bande-son de Santa Mondega inclut entre autres Highway to Hell d’AC/DC, The Man Comes Around de Johnny Cash ou Lorca’s Novena des Pogues. “Normalement, j’aime les chansons que je mets dans mes livres mais ça m’arrive d’inclure une chanson dont je ne suis pas fan. On entend The Man Comes Around au début de Dawn of the Dead (film de zombies de Zack Snyder, ndr) et je me rappelle m’être dit, en le regardant, que ça collerait bien avec le Bourbon Kid. J’ai toujours une playlist pour mes livres, elle contient des musiques de films et des chansons. La musique m’aide à ajouter de l’émotion à l’histoire. Pour Santa Mondega, la playlist a été beaucoup plus rock’n’roll que d’habitude, avec Johnny Cash, AC/DC mais aussi Guns N’Roses, les Rolling Stones”. Les fans de musique se précipiteront en priorité sur Le Cimetière du diable, 3e volume de la saga dont l’action se déroule dix ans avant celle du Le Livre sans Nom. Un concours de chanteurs sosies est organisé dans un hôtel et y participent des faux James Brown, Janis Joplin, Kurt Cobain et même un pseudo-Michael Jackson qui se révèle être…le bluesman Robert Johnson. Pardon ? “J’arrivais à la fin du premier jet du Cimetière du diable et je ne savais comment terminer l’histoire. Puis je me suis rappelé l’histoire de Robert Johnson et de son pacte avec le diable. La première fois que j’ai entendu parler de lui je devais avoir 14 ans, c’était en regardant le film Crossroads (de Walter Hill, ndr). J’ai trouvé son histoire totalement fascinante si bien que, quand l’idée de le mettre dans mon livre a surgi, j’étais très excité. Il est devenu un personnage très utile dans les histoires suivantes, j’aime l’avoir dans mon univers parce qu’il est cool”.

 
Air Guitar

Dans le passé, le Bourbon Kid – l’auteur – a prétendu être un super chanteur, un danseur doué et être allé un jour au travail…habillé en Elvis. “Mais ces jours-ci, je fais uniquement de l’air guitar. Trois de mes potes et moi avions des guitares mais comme j’étais le plus mauvais des quatre, quand on a formé notre groupe, j’ai pris en charge le chant et les compositions. Nous n’étions pas très bons et je crois que j’étais le maillon faible. Désormais, ça peut m’arriver de chanter en public si j’ai bu quelques verres mais j’ai tendance à oublier les paroles…parce que, justement, j’ai bu quelques verres ! Mes jours en tant que chanteur et danseur sont derrière moi et c’est mieux pour tout le monde !” Avec le temps, le Bourbon Kid s’est créé une galerie de personnages attachants, regroupés sous le nom collectif de Deadhunters, des tueurs de zombies, de vampires et de toutes les créatures démoniaques qui existent. Dans cette bande, figure le barman Sanchez qui, malgré la bonne habitude de servir (littéralement) de la pisse à certains de ses clients finit par devenir maire de Santa Mondega. Pas mal pour un anti-héros ! “Initialement, Sanchez ne devait pas particulièrement être important mais j’ai vite compris qu’il était utile pour faire avancer des éléments de l’intrigue. Jasmine – une jeune femme travaillant dans un bordel avant de devenir une tueuse de démons, ndr – est pareille. Pendant que tu marres ou tu grognes devant les choses idiotes que les deux font, tu rates souvent un détail important. Au début de Santa Mondega, Jasmine commet quelque chose de réellement stupide mais, quelque cinquante chapitres plus tard, son acte se révèle crucial. Ça arrive aussi à Sanchez”. C’est un cliché d’affirmer que les écrivains mettent des parties d’eux-mêmes dans leurs personnages…Dans le cas de notre auteur anonyme, ça parait plus vrai que jamais. “Etre anonyme est une bénédiction parce que je ne suis pas obligé d’apparaître en public. Je suis insociable comme le Bourbon Kid et quand je socialise, je fais souvent des conneries, justement comme Sanchez ou Jasmine”. 

Vincent Brunner

Anonyme Santa Mondega (Sonatine), 496p., 23€, traduit de l’anglais par Cindy Colin Kapen

Egalement chez Sonatine Le Livre sans nom, L’œil de la lune, Le Cimetière du diable, Le Livre de la mort, Psycho Killer, Le Pape, le Kid et l’Iroquois, Bourbon Kid, Que le Diable l’emporte.

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